ART

Fey Arts 2019

L’exposition ​Bels animal ​est partie du désir de dialoguer avec des artistes émergents dont le travail interroge le corps et sa matière, ainsi que les partenaires qu’ils trouvent en la personne des spectateurs. Si ces sujets nous animent tous, chacun et chacune les traite à sa façon, avec ses codes et la singularité de son regard. Feÿ permettait de s’emparer d’un lieu, de l’investir totalement pour tisser un dialogue entre ces différents univers et faire déambuler le visiteur d’un récit à un autre. - Chloé Royer

Toute l’histoire commence avec un corps. Ce n’est plus celui qu’on connaît, aux traits et aux mouvements familiers, celui qu’on croise au détour d’une rue et sur lequel on se retourne parfois. Non, ici, la chair est étrange ; elle est gélatineuse et translucide, parcourue de tâches ou de mosaïques. Elle se contorsionne délicieusement et se déforme avec horreur. Elle nous raconte des mythes, des rites, des métamorphoses. Ces histoires, elles aussi, ont des corps. Elles sont pourvues de nerfs qui palpitent, d’ossatures qui les tiennent. Aristote déjà, se souciait de leur squelette. Dans ​La Poétique,​ il rappelle que la fable doit, pour être réussie, être construite à la façon d’un organisme vivant : le “bel animal” dont les différents membres forment un tout harmonieux. Mutilant l’expression du philosophe, l’exposition de Feÿ 2019 présente des corps et des récits ​autres,​ rompus ou corrompus : ceux inventés par une quinzaine de plasticiens et plasticiennes de la scène émergente à l’occasion du festival. Répondant à l’invitation de l’artiste Chloé Royer, ils ont tous et toutes pensé leurs pièces en fonction de l’espace. Dans ce château-chimère, lui-même un collage de différentes époques, s’accumulent ainsi des créatures hybrides, des mondes opaques et sibyllins. Le fantasme se liquéfie dans la bizarrerie : des membranes aux couleurs pastel dansent dans une chambre froide, un astronome perché sur un arbre prophétise des rêveries... Ici, nous sommes sur une île féminine où sifflent les chevelures, là, des meubles humanoïdes inquiètent le regard, triturent la perception. Par ces formes en mutation, ​Bels animal ​fait de la matière son coeur battant : les oeuvres étendent leurs bras pour étreindre la spectatrice, la guider ou la perdre dans des scénarios improbables et des légendes intimes. Du fauteuil avachi aux élixirs avalés, c’est son corps à elle qu’elles invitent à leur tour. Loin du regard médusé, elles nous tentent et nous aguichent, jusqu’à provoquer la rencontre. Il s’agit de prendre place au sein du récit, et dans la densité. ​À​ faire en sorte qu’il y ait contact. - Salomé Burstein

Entitled “Bels animal,” Feÿ 2019’s art exhibition gathered up-and-coming European visual artists whose works evoke metamorphosed bodies altered by technology or contorted through mythological tales. Scattered here and there in the château’s salons and outdoor areas, pieces by duos Julie Villard & Simon Brossard, Amélie Giacomini & Laura Sellies, the MORPH collective, Zsófia Keresztes, Alexandre Silberstein, and Chloé Royer created an ensemble of interwoven narratives.

Bels animal stemmed from the desire to create dialogue among artists whose works question materiality, including that of the human body and thus, often, of the spectator. All of us share these interests, but we all view them from a different perspective and with our own plastic language. This group show invited every participant to inhabit the space and explore its possibilities. The château then became the perfect landscape to weave a dialogue between these singular practices and to invite the visitor to wander from one story to another - Chloé Royer

Amélie Giacomini x Laura Sellies ©Romain_Darnaud

AMÉLIE GIACOMINI X LAURA SELLIES
Au travers de deux extraits, le film ​Toutes ces filles couronnées de langues nous transporte sur l’île insituable de Kyrra, où se sont assemblées quatre-vingt neuf femmes pour bâtir une société nouvelle. Elles y élaborent un alphabet qui, construit à partir du seul mouvement, laisse les gestes accoucher de mots. En résulte une langue muette, réservant la voix aux profondeurs harmonieuses ou discordantes du chant, à celles du cri. Pour l’accompagner, les femmes ont fabriqué une panoplie d’instruments -- ceux que l’exposition ​Bels animal présente au visiteur de Feÿ 2019.

AMÉLIE GIACOMINI X LAURA SELLIES
Through two excerpts, the film All These Crowned Daughters of Languages ​​transports us to the insoluble island of Kyrra, where 89 women have gathered to build a new society. They develop an alphabet that, built from movement alone, lets gestures give birth to words. The result is a mute language, reserving the voice for the harmonious or discordant depths of singing, or else for crying out. As accompaniment, the women made a variety of instruments, which the exhibition Bels animal presents to the visitors of Feÿ 2019.

Zsófia Keresztes ©Romain_Darnaud

ZSÓFIA KERESZTES
La créature bicéphale créée par Zsófia Keresztes à l’occasion de Feÿ a été pensée comme un totem empathique : s’ils se tournent le dos dans une parfaite symétrie, ces deux visages parcourus de larmes pleurent une même peine. Réinterprétant le mythe contemporain de l’ami virtuel, leurs sanglots fusionnent dans un corps siamois. Comme chacun des monstres érigés par l’artiste, il est revêtu d’une peau de mosaïque ; elle vient souligner l’étrangeté d’une silhouette composite où se rencontrent masculin et féminin, éclat et mélancolie.

ZSÓFIA KERESZTES
The two-headed creature created by Zsófia Keresztes on the occasion of Feÿ was conceived of as an empathic totem: if they turn their backs in perfect symmetry, these two faces crossed by tears mourn the same pain. Reinterpreting the contemporary myth of the virtual friend, their sobs merge into a Siamese body. Like every monster erected by the artist, this one is wearing a mosaic skin, which emphasizes the strangeness of a composite silhouette where masculine and feminine, radiance and melancholy meet.

MORPH ©Romain_Darnaud

MORPH
Conçue comme un opéra, ​We Couldn’t Find the Door e​st une oeuvre totale que le spectateur traverse à la manière d’une procession. Mêlant tapisserie, mobilier, sculpture, réalité virtuelle et composition sonore, elle métamorphose les salons du château en un intérieur baroque et surréaliste. Habité de formes équivoques qui susurrent à nos oreilles, ce décor-hommage au Rêve de Vénus - pavillon crée par Salvador Dali pour l’Exposition Universelle de New York 1939-1940 - construit un environnement qui destabilise les sens et perturbe la perception.

MORPH
Conceived as an opera, We Could not Find the Door is a Gesamtkunstwerk that the spectator goes through like a procession. Mixing tapestry, furniture, sculpture, virtual reality, and sound composition, it transforms the rooms of the castle into a baroque and surrealist interior. Inhabited by ambiguous forms that whisper in our ears, this decor––a tribute to the Dream of Venus Pavilion created by Salvador Dalí for the 1939-1940 New York World Exposition––creates an environment that destabilizes the senses and disrupts perception.

Chloé Royer ©Romain_Darnaud

CHLOÉ ROYER
Partie de l’observation de l’enveloppe corporelle et de la gestuelle du dessin, la série Leftovers transforme le tracé en sculpture pour créer des pièces étrangement anatomiques, comme des lambeaux de chair d’une créature imaginée. L’installation de Feÿ 2019 pend ces membranes depuis le plafond et les laisse flotter à la manière de peaux dans une tannerie. Elle transforme d’un même coup l’espace du château et la matière qui l’habite, au travers d’un silicone où le pigment rencontre la transparence.

CHLOÉ ROYER
Part of the observation of the body and the gesture of drawing, the Leftovers series transforms the path into a sculpture to create pieces that are strangely anatomical, like fragments of the flesh of an imagined creature. The installation at Feÿ 2019 hung these membranes from the ceiling and let them float like skins in a tannery. The piece transformed the space of the château and the material that inhabited it through its use of silicone where the pigments become transparent.

Alexandre Silberstein ©Romain_Darnaud

ALEXANDRE SILBERSTEIN
Tout débute avec un écu, précieux talisman confié au visiteur ; c’est le premier des objets qu’Alexandre Silberstein a disséminé ici et là, dans différents recoins de la forêt. Nous invitant à récolter ces derniers au gré de rencontres énigmatiques, ​Le Château plus haut que les nuages ​jongle entre musique, performance et sculptures en papier recyclé pour construire une narration grandeur nature aux allures de chasse au trésor.

ALEXANDRE SILBERSTEIN
Everything begins with a shield, a precious talisman given to the visitor––it is the first of the objects that Alexander Silberstein scattered here and there, in different corners of the forest. Inviting us to collect these objects following enigmatic encounters, The Castle Higher Than the Clouds juggles music, performance, and recycled-paper sculptures to create a life-sized narrative treasure hunt.

Julie Villard X Simon Brossard ©Romain_Darnaud

JULIE VILLARD X SIMON BROSSARD
On ne sait depuis quelle terre ces fleurs ont pu pousser : déformant un mobilier d’aires de jeux, les plantes transgéniques de Julie Villard et Simon Brossard ont branché leur racines dans le grenier du château. Elles forment la première pièce d’un parcours qui plonge le spectateur dans un univers de formes sensuelles et maladives, et l’entraîne jusqu’au comptoir de ​It’s Fantastic, ​un bar imaginé par les deux artistes et abreuvé des cocktails de Nicolas Cruz Mermy.

JULIE VILLARD X SIMON BROSSARD
We do not know what land these flowers could grow from: deforming playground furniture, the transgenic plants of Julie Villard and Simon Brossard took root in the attic of the château. These works formed the first piece of a journey that plunged the viewer into a world of sensual and sickly forms, and led to the counter of It's Fantastic, a bar designed by the two artists and stocked with cocktails by Nicolas Cruz Mermy.

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